Invitée à un dîner avec le Bon Dieu

On la savait malade, Jeanine. Malade, de ce mal mystérieux qui embrume la mémoire en même temps qu’il dénoue les relations. De ce mal dont on ne sait pas bien le ressenti réel, pour ceux qui en souffrent. De ce mal qui fait beaucoup de mal aussi, aux proches et à l’entourage. De ce mal qui empêche de partager vraiment la vie de tous les jours, les souvenirs communs et le restant du chemin qu’il reste à parcourir.

Et puis, il y a eu cette chute un jour de juin, suivie d’une hospitalisation à Gap et d’une opération du col du fémur. Elle chantait pourtant à l’hôpital, dans son lit… Elle chantait juste. Ce qui laissa penser à sa voisine de chambre qu’elle faisait partie d’une chorale. Mais, la chorale de Jeanine, c’était plutôt la cacophonie des cyclos ou celle des randonneurs venus l’accompagner aujourd’hui.

Elle chantait… Puis elle s’est arrêtée de chanter. Elle n’a plus parlé de Nice et de la Côte d’azur de son enfance. Elle ne riait plus aux histoires de Mézel que Serge racontait. Elle lui a fait un dernier sourire en lui prenant la main qu’il lui tendait. Et puis… Elle s’est arrêtée de parler et n’a plus eu la force de se nourrir.

Une vie prend fin. Une histoire se termine. Un sourire disparaît. Un manque se fait sentir. Une absence soudaine qu’on n’avait pas imaginée !

Ne pleurez pas

Mais, ne pleurez pas, vous ses parents et ses amis.
Ne pleure pas Josiane, même s’il n’y aura plus maintenant, les longues, très longues conversations complices, avec maman au téléphone.
Ne pleure pas Serge, même si ce soir, dans le chalet de la colline, il faudra bien se rendre à l’évidence, il n’y aura plus que la minette à caresser sur le canapé noir…

Ne pleurez pas ! Jeanine a mis, une dernière fois ses bigoudis. Elle a coiffé ses frisettes et mis un peu de laque pour l’éternité. Elle a mis sa belle robe couleur rose-saumon. Elle a passé du temps à se maquiller devant la petite glace de la salle de bains. Elle a donné un dernier coup d’œil aux fleurs du jardin que Serge sait si bien soigner.

Ne pleurez pas ! Ça y est ! Elle a retrouvé son plus beau sourire, elle a retrouvé tous ses souvenirs. Et tous les noms de ceux qu’elle aime lui reviennent en mémoire.

Ne pleurez pas ! Ce soir, Jeanine s’est invitée à un dîner avec le Bon Dieu !

Norbert MOUIREN

Contact : contact@motsenliberte.fr 

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