Chauffayer, il y a 50 ans !
Chauffayer, il y a 50 ans, a été vécu comme une rupture avec notre monde et aussi comme une ouverture sur un autre monde. Robert Arnoux a sorti sa plus belle plume pour nous parler de nos plus belles années d’adolescents.
Il raconte…
En 1965, ou 66, je ne me souviens plus exactement, un curé pas tout à fait comme les autres arriva à Saint-Auban. Il avait une trentaine d’années; ce n’était pas un “révolutionnaire” – ou alors il l’était de manière si profonde qu’on ne s’en apercevait pas – et il allait bouleverser notre adolescence.
C’est pour nous, les gamins du “Carrefour Bléône-Durance”, que le père Gaston Savornin a inventé les « stages culturels ».
Il avait dû se dire, en nous voyant traîner notre ennui estival, que de cette pâte toute frémissante d’énergie et de frustrations, on pouvait faire lever autre chose que des êtres convenus ; qu’il y avait en nous une sensibilité, des richesses, qui ne demandaient qu’à s’exprimer.
Ce que nous comprenions de son projet, c’était que désormais nous irions à Chauffayer non plus “en colonie de vacances”; non plus pour y faire des veillées et des jeux de piste, mais pour y pratiquer la photo, le théâtre, le cinéma, « l’expression corporelle », la musique.
Et que, chose absolument inouïe pour ce temps, nous n’y serions plus seulement entre garçons…
C’était il y a plus de cinquante ans – l’époque est aussi lointaine aujourd’hui que l’était alors la Guerre de 14…
Nous avions 13, 14, 15 ans et nous retrouvions notre Chauffayer – les mêmes murs, les mêmes odeurs, le même éblouissement quand le soleil levant frappait la barre rocheuse des Farauds. L’autre Gaston – notre voisin Gaston Eyraud que l’on voyait passer chaque matin tenant la bride de son cheval Papillon – était toujours là, comme l’épicerie de Mme Vallat, la Croix, la Chapelle, la Pinède.
Mais tout avait changé. Il n’y avait plus de « moniteurs » pour nous faire mettre en rang par deux sous le platane devant le dortoir, mais des « animateurs » qui nous initiaient à la magie de la prise de vue et du développement, au « montage audiovisuel », à la mise en scène. On ne reprenait plus en cœur les succès des Compagnons de la Chanson mais on découvrait – merci Renée ! – la méthode Carl Orff et ses percussions, glockenspiels et xylophones…
Rupture / Ouverture
A Chauffayer, tout au long de ces premiers stages (1967-1972, les seuls dont je peux parler ici), nous avons été heureux. Profondément.
On ne nous traitait plus comme des enfants – on nous proposait des moyens pour nous « exprimer », pour explorer ce qui palpitait au fond de nous-mêmes. On nous donnait des responsabilités.
D’avec notre vie ordinaire, la rupture était totale, le sentiment de liberté enivrant.
L’autorité était là pourtant, bien réelle – Gaston, Renée et même Norbert dans le rôle de “frère aîné”… Mais ce n’était plus l’autorité bornée des parents, des maîtres, des curés à l’ancienne. C’était une autorité consentie, je dirais : intelligente.
Avec le recul d’un demi-siècle, on se dit qu’au fond, ce n’était pas très compliqué : l’école, la famille, les conventions étaient oppressantes, il suffisait de peu pour se sentir libérés.
Mais il y avait plus: cette “libération”, quelques semaines par an, était aussi une formidable ouverture.
Les techniques auxquelles les stages nous donnaient accès – photo, cinéma, théâtre, etc. – nous ouvraient au monde, bien au-delà des limites du « stage ». La rupture se goûtait au présent; l’ouverture allait nous nourrir tout au long de notre vie.
Ces stages, année après année, ont contribué à nous donner confiance en nous-mêmes : c’est là leur plus grande réussite. Toute la pâte, bien sûr, n’a pas levé. Chauffayer n’était pas toute la vie et il a fallu prendre ailleurs d’autres leçons.
Mais ce que ces années-là nous ont légué c’est une force qui, si longtemps après, trouve encore à s’employer.
Robert ARNOUX
Contact : contact@motsenliberte.fr
Cher Robert, ayant vécu beaucoup de ces moments en ta compagnie, donc à la même époque, je ne peux que partager les jolis mots que j’ai lus sous ta plume. La bourrasque d’air frais que fut « Chauffayer » a bousculé bien des choses et, en parallèle, en a remis d’autres à leur juste place, sur les rails qui allaient les mener vers le voyage de leur vie. Merci vraiment à tous ceux qui ont construit tout cela et qui m’ont aidé à faire un tout petit peu partie des leurs. Et bien sur, merci à un certain Gaston Savornin, dit « Gaston ».
Sur le lien de Jean-louis Corbel (ci-dessous)
Ouah, la colo en 1966, la dernière avant « l’invention » des stages !!! Bernard Delacasagrande (en un mot ou en quatre ?).
Allez, on y va. De gauche à droite :
Thierry Ferrand, moi, Rachid Chemini ? Aubert sans doute, sous son chapeau de paille, Poli, deux dont j’ai oublié les noms mais dont je me souviens bien, Roland Blandin, Pierre-Luc Frey (et l’incontournable bâton décoré à l’Opinel), et celui-ci aussi, nom oublié…
Quelle belle trouvaille !
Il y en a d’autres ?
(Et au fait, merci cousin Michel)
Et Domi, c’est qui?
Domi, c’est la soeur de Norbert, donc Dominique MOUIREN, née la même année que toi Robert!! que de bons souvenirs. Chauffayer, c’était formidable. Peut-être aurons nous l’occasion de nous rencontrer à nouveau…….à Chauffayer
Salut Dominique! 50 ans… on peine à le croire!
oui Robert!!!! en plus quand j’ai lu ton texte, j’ai lu 50 ans et je croyais que c’était d’autre chose dont tu parlais, mais non c’était bien de nous. Moi aussi cela m’a fait un petit coup au coeur, mais tout va bien, les années passent et la vie est belle
Quelques photos retrouvées dans le labo photo de Chauffayer qui illustrent cette époque.
http://www.joie-et-soleil04.fr/pages/photos/anciens-stages.html
C’était super et j’y étais en même temps que Robert :1er stage, 1ère expérience et ce n’était que du bonheur!!! Et j’ai recommencé les années suivantes. Merci Gaston, merci Renée et les autres. L’endroit était idyllique, nous étions jeunes et nous profitions d’un nouveau concept. Chauffayer continue, va évoluer….Bon courage et beaucoup d’espoir pour la suite.
A bientôt pour la suite°°°
Bravo cousin Robert pour cette belle rétrospective de l’histoire de Chauffayer … Pour ma part, je ne remercierai jamais assez Norbert pour la confiance qu’il m’avait accordé en me me confiant un poste d’animateur alors que je n’étais pas encore légalement adulte ! C’était dans les années 80 et ces moments passés à Chauffayer m’ont sûrement un peu guidé à construire, précisément, ma vie d’adulte…
Merci Michel!
Oui je revois tout ce lieu qui me semblait si grand quand j’étais ado. Les ateliers n’étaient pourtant qu’à quelques mètres les uns des autres. Mais surtout les plus grands fous rires simplement en faisant la vaisselle collective dans ces grandes bassines. Ça dégénérait souvent en bagarres d’eau. Le matin la grande cuisine sentait bon, faire du pain était une grande expérience collective. Et au théâtre on pouvait exprimer toute l’intensité émotionnelle qui nous traversait. En triomphe les montagnes nous offraient des myrtilles tout au long des chemins et des vues imprenables quand on arrivait au sommet.
Chauffayer c’était un peu plus tard pour moi (milieu des années 70) avec Betty et Cécile à la cuisine, Rachel et moi en tant qu' »aides-cuisinières », et en ados ravies de se trouver en si bonne compagnie, que de formidables moments… Chauffayer restera surtout l’endroit où j’ai entendu La Moldau de Smetana pour la premiere fois grâce à Marc Carpentier qui l’avait choisie pour l’illustration sonore d’un montage diapos. C’est un de mes morceaux préférés, je l’écoute souvent et repars un peu à Chauffayer chaque fois…
Merci pour ce bel article !